Je suis née
un peu après la guerre. Mon amie Mady, qui est née trois semaines après moi,
prétend que mes parents écoutaient radio Londres, et les siens pas. D’après
elle, Lily et Etienne étaient donc au courant de la prochaine libération avant
cousin Josse et cousine Anne-Marie, et se sont réjouis quelques jours plus tôt.
Je ne la crois pas, car tout le monde écoutait radio Londres à l’époque, bien avant le 8 mai 45. Mady
me raconte aussi qu'à sa naissance le docteur était très surpris de la
voir, petite boule noire, très différente de ses soeurs blondes et
s'exclama "Joske, Joske, 't is van een Amerikaan!". Encore une histoire
qu'on n'est pas obligés de croire.
Enfin, ça me place, avec elle et mon frère, dans la catégorie des baby-boomers et plus tard, des soixante-huitards. Et aujourd´hui, bien sûr, parmi les « croulants », comme on disait alors. Sur la photo, je suis la petite fille au noeud dans les cheveux, avec mon frère Tiennot et ma petite soeur Christine.
Enfin, ça me place, avec elle et mon frère, dans la catégorie des baby-boomers et plus tard, des soixante-huitards. Et aujourd´hui, bien sûr, parmi les « croulants », comme on disait alors. Sur la photo, je suis la petite fille au noeud dans les cheveux, avec mon frère Tiennot et ma petite soeur Christine.
Evidemment je
ne me rappelle rien de mes toutes premières années. Un de mes premiers
souvenirs est de me trouver debout, indignée d’être dans un petit lit à
barreaux et dans une chambre toute blanche et inconnue. J’étais chez ma tante
Marie, quelque part à la mer du Nord, dans une chambre d’hôtel où logeait aussi
ma cousine Mimi, bien plus âgée que moi, et qui avait la mission de s’occuper
de ma toute petite personne. Je devais avoir trois ans, peut-être.
Mais qu’est-ce que je faisais là ? Soixante ans plus tard, Nénette m’a enfin raconté que j’avais attrapé la tuberculose quand j’étais bébé et j’en déduis que pendant ma convalescence on me faisait séjourner à la mer le plus de temps possible. Alors, dès que quelqu’un de la famille voulait passer quelques jours de vacances à la côte, je faisais partie de leurs bagages.
Mais qu’est-ce que je faisais là ? Soixante ans plus tard, Nénette m’a enfin raconté que j’avais attrapé la tuberculose quand j’étais bébé et j’en déduis que pendant ma convalescence on me faisait séjourner à la mer le plus de temps possible. Alors, dès que quelqu’un de la famille voulait passer quelques jours de vacances à la côte, je faisais partie de leurs bagages.
Cette maladie avait
toujours été un secret, du moins pour moi, et je me demandais chaque année,
quand on faisait les examens médicaux obligatoires à l’école primaire, pourquoi
j’étais la seule à « virer ma cuti ». Pour ceux qui sont nés après
l’invention du vaccin BCG, cela veut dire que j’avais des anticorps qui
donnaient une réaction positive à la scarification du bras avec des microbes
affaiblis de TB. Chaque fois maman devait aller expliquer la situation au
service de santé de la ville, mais elle ne m’expliquait rien à moi.
Je me revois avec Mimi beaucoup plus tard, je devais avoir sept ans et elle peut-être seize, en train de jouer avec une maison de poupée dépliable, en carton, formant quatre murs avec un décor peint sans aucun doute centenaire, avec de belles dames à jupe longue et fanfreluches et des messieurs à chapeau haut de forme, eux aussi en carton et de la même époque. Il y avait même des lampes, et qui fonctionnaient vraiment avec une pile, ce qui m’impressionnait le plus. Son grand frère Joseph chantait pour moi « In de groten oceaan ...» pendant qu’oncle Arthur ronflait dans son fauteuil après le dîner. Ça c’était à Gand, dans une vieille maison avec une lourde porte verte, près d’un canal qui ne sentait pas bon.
Je me revois avec Mimi beaucoup plus tard, je devais avoir sept ans et elle peut-être seize, en train de jouer avec une maison de poupée dépliable, en carton, formant quatre murs avec un décor peint sans aucun doute centenaire, avec de belles dames à jupe longue et fanfreluches et des messieurs à chapeau haut de forme, eux aussi en carton et de la même époque. Il y avait même des lampes, et qui fonctionnaient vraiment avec une pile, ce qui m’impressionnait le plus. Son grand frère Joseph chantait pour moi « In de groten oceaan ...» pendant qu’oncle Arthur ronflait dans son fauteuil après le dîner. Ça c’était à Gand, dans une vieille maison avec une lourde porte verte, près d’un canal qui ne sentait pas bon.
Peu après, oncle Arthur allait devenir juge à la cour de cassation à Bruxelles.
Entre-temps Mimi était devenue prof de latin et de grec à Nivelles et Joseph
avocat et puis juge à Gand, comme son père. Comme il convient peut-être à une
prof de langues classiques, du moins d’après les clichés, Mimi ne s’était jamais
mariée et je ne crois pas qu’elle était très appréciée par ses élèves. Ce
qu’elle nous en racontait donnait certainement cette impression. En tous cas
moi, qui ne l’ai pourtant jamais eue comme prof, je n’ai jamais beaucoup aimé
les déclinaisons latines, les thèmes et les versions, et je me suis débarrassée
du grec le plus vite possible. C’est vrai que mon prof de latin me lançait des
bouts de craie à la tête quand j’étais à l’Institut Saint André à Bruxelles.
La maison à la
chaussée de Waterloo à Uccle d’oncle Arthur et tante Marie (appelée aussi tante
Cactus, parce que d’après mes sœurs elle avait le menton piquant quand on
l’embrassait) était pleine d’antiquités de style empire et aussi pleine de
curés, particulièrement de jeunes curés et séminaristes africains qui faisaient
des études en Belgique.
Une des
fenêtres du salon avait des vitraux en culs de bouteilles de toutes les
couleurs que j’admirais, et qui m’a donné l’idée de mettre des vitraux dans ma
salle à manger à La Paz. Ça évite que les voisins nous voient en pyjama au
petit déjeuner. J’aimais bien aussi le minuscule jardin avec son minuscule
étang et ses minuscules grenouilles devant la maison.
Depuis j’ai toujours rêvé d’avoir un étang dans mon
jardin, mais ça n’est pas encore arrivé. Mon père disait toujours qu’il fallait
garder quelques rêves pour plus tard.
N'avons nous pas tous suffisement de rêves en stock ?
RépondreSupprimerC'est très gai de les réaliser quand il y a moyen, même quand c'est déjà "plus tard" !
Merci beaucoup poour les souvenirs de famille chez oncle Arthur : j'ai à peu près les mêmes choses en éméoire...
Et la TBC c'était une honte ? et pas tout à fait sans danger ...?
Oui j'imagine qu'avoir eu la TBC faisait partie des nombreuses choses "qui ne se disaient pas". Merci pour tes commentaires!
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